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lundi 28 octobre 2013

Un été sans les hommes

Un été sans les hommesComme d'habitude chez Siri Hustvedt, Un été sans les hommes combine ce qui m'apparaît comme des propos plein de sagesse avec des platitudes absolues. Siri fait du puzzle, pour ne pas dire du copié-collé. Elle rend compte avec finesse de ce qui la travaille sur le plan personnel, ses relations, son travail, sa fille, mais elle se fourvoie souvent quand elle cherche à rattacher cela à des travaux plus ou moins savants, scientifiques, philosophiques, essayistes : on n'y croit plus, cela semble plaqué. En même temps, c'est pour ça que je l'aime bien, Siri, pour cela que je l'appelle Siri et pas Hustvedt. Parce que je la comprends, je me sens tellement comme elle, à lire et copier-coller des citations, des situations, des témoignages, qui me donnent l'illusion de domestiquer ce qui autrement ne serait qu'un torrent débridé d'angoisses, de confusions, de débordements hystériques, de rêves et de joies aussi. Elle vit dans l'illusion et avec la volonté de comprendre, Siri, comme moi. C'est une sensible qui cherche la rationalité, ça la rassure peut-être.
Contrairement à Paul Auster son mari, Siri n'utilise pas d'histoire bien huilée, de coïncidence, d'invraisemblable qui emporte dans une littérature extérieure à soi-même et tellement confortable. Pas du tout. Elle se plante devant vous et vous fait un discours sur ce qui l'occupe et la préoccupe, ses tremblements, le mari infidèle ou le vieillissement de sa mère et le sien. Brut de décoffrage, pas de fiction, de faux-semblant, des prises de parole directes, à mi-chemin entre une conversation et un cours (elle enseigne ou a enseigné).
 
Elle réfléchit à des trucs qui me parlent.

Elle dit ce que je n'arrive pas à formuler ou que je n'ose pas dire.

C'est pour ça que je l'aime bien, même si parfois elle m'ennuie.

Et puis, elle est belle, Siri, une Scandinave immense, avec des jambes d'1m50, paraît-il.

Extraits :

"Le caractère éphémère du sentiment humain est proprement risible. Les fluctuations de mes humeurs dans le courant d'une seule soirée me donnèrent l'impression d'avoir un caractère en chewing-gum. J'étais tombée dans les profondeurs déplaisantes de l'attendrissement sur soi-même, un terrain situé à peine au-dessus des basses terres plus hideuses encore du désespoir. Et puis, sotte facile à distraire que je suis, je m'étais, peu à peu, retrouvée en plein délire maternel, prenant un plaisir fou à faire danser et à cajoler le petit d'homme emprunté à la voisine. J'avais bien mangé, bu trop de vin et embrassé une jeune femme que je connaissais à peine. Bref, je m'étais splendidement amusée, et j'avais bien l'intention de recommencer." p. 75-76

"Le temps nous embrouille, ne trouvez-vous pas ? Les physiciens savent jouer avec mais, en ce qui nous concerne, il faut nous accommoder d'un présent fugace qui devient un passé incertain et, si confus que puisse être ce passé dans nos têtes, nous avançons toujours inexorablement vers une fin. En esprit, cependant, tant que nous sommes vivants et que nos cerveaux peuvent encore établir des connexions, il nous est possible de sauter de l'enfance à l'âge adulte, puis en sens inverse, et de dérober, dans l'époque de notre choix, un petit morceau savoureux ici, un autre plus amer, là. Rien ne peut jamais redevenir comme avant mais uniquement comme une incarnation ultérieure. Ce qui était autrefois l'avenir est maintenant dans le passé, mais le passé revient à présent à l'état de souvenir, il est ici et maintenant dans le temps de l'écriture. Une fois encore, je m'écris moi-même ailleurs. Rien n'empêche qu'il en soit ainsi, n'est-ce pas ?" p. 208-209.

samedi 9 mars 2013

La voix de Siri

Siri Hustvedt, La femme qui tremble"C'est par la lecture que nous nous rapprochons le plus de cette pénétration de l'esprit d'un autre. La lecture est l'arène mentale où des styles de pensée différents, tels le dur et le tendre, et les idées qu'ils engendrent deviennent le plus apparents. Nous avons accès au narrateur interne d'un inconnu. Lire, après tout, est une façon de vivre à l'intérieur des mots d'autrui. Sa voix devient, le temps de la lecture, mon narrateur ou ma narratrice. Je conserve, bien entendu, ma faculté critique personnelle, et je m'interromps pour me dire : Oui, il a raison sur ce point ou : Non, il oublie complètement celui-là, ou encore : Ca, c'est un cliché, mais plus la voix sur la page est convaincante, plus je perds la mienne. Je suis séduite et m'abandonne aux mots de l'autre. En outre, je me sens souvent séduite par des points de vue différents. Plus la voix est étrangère, inhospitalière ou difficile, cependant, plus j'ai l'impression d'être partagée, d'occuper deux têtes à la fois."
 
 Siri Hustvedt, La femme qui tremble, Babel, p. 192.
 
Un livre très ennuyeux par moments et tellement juste à d'autres. La voix informée et honnête de Siri Hustvedt. Je préfère sa voix de romancière à ses propos d'essayiste, néanmoins.

vendredi 2 janvier 2015

Un quinze août à Paris

Un quinze août à Paris
Depuis une semaine ou deux, j'ai envie de rouvrir la boutique pour râler contre le livre de Céline Curiol, Un quinze août à Paris. Histoire d'une dépression. A mon sens, il s'agit d'une pâle imitation francophone de l'essai anglophone de Siri Hustvedt, La femme qui tremble, que déjà je trouvais très surfait. Alors quand on me sert deux variantes d'un mets déjà très surfait, je me sens comme écoeurée, surtout après les agapes de fin d'année, sans parler des conneries post-beuveries qui accompagnent.

Céline Curiol utilise les mêmes procédés que Siri Hustvedt, bien que dans une recette à la sauce parisienne plutôt que new-yorkaise : une pincée de récit autobiographique et des kilos de citations délayées dans des litres de fiches de lecture. Cela donne une construction bancale qui camoufle surtout ce qui me semble un genre de copier-coller chronologique... A la fin, elle a un certain toupet d'adresser des "Remerciements chaleureux à ceux qui ont rendu, à leur façon, ce texte possible : Paul A. et Siri H.". On rigole jaune (même s'ils se connaissent peut-être, étant tous publiés chez Actes Sud). Cela fait penser à Régine Deforges rendant hommage à Margaret Mitchell en ouverture de La bicyclette bleue, après avoir repompé la structure narrative d'Autant en emporte le vent

Je n'ai pas aimé Un quinze août à Paris. Histoire d'une dépression. J'admets que ma déception est sans doute liée à des attentes démesurées  dans la compréhension de la (ma) mélancolie. Je reconnais également que beaucoup des propos m'ont interpellée, intéressée, touchée, notamment quand l'auteure restitue sa vérité émotionnelle ; à travers la singularité de l'expérience s'exprime quelque chose qui la dépasse. Certains passages sonnent très juste :

""Etre comme les autres" était une idée à mesure variable, une combinaison commode que l'on pouvait enfiler à volonté quand un référent devenait nécessaire. Il était difficile de ne pas résister à une adhésion bornée à la norme mais être jugée "extravagante", "anormale" avait l'amertume d'une punition. Conserver un équilibre entre la constitution d'une individualité viable et ses possibilités d'évolution sociale n'était pas une entreprise facile".   (p. 88).
"Je me blotissais contre l'idée que cela allait passer, mais cela ne passait pas, bien que cela ne puisse appartenir à ma destinée telle que je l'avais envisagée. Cela était pourtant de la même substance que moi. Il fallut une photographie pour me rendre compte que mon visage avait changé" (p. 93).

"J'étais comme ces personnages de dessin animé qui battent des bras avidement, dans l'espoir vain et instinctif de demeurer en suspension par leurs propres moyens, de réchapper en la dénigrant à la force de gravité, alors que le bord du précipice a déjà été franchi. Les limites étaient brouillées, trop perméables. La retenue n'opérait plus par réflexe, en amont et indépendamment de décisions conscientes, qu'il était de toute façon difficile d'appliquer. "Je ne pleurerai pas", me disais-je. Et quelques dizaines de secondes plus tard, j'éclatais en sanglots. Rien ne venait plus endiguer mes débordements émotionnels. Je pleurais chez l'analyste, je pleurais devant mes proches, lamentable fontaine. Je n'étais que réactions. Hors du temps, j'allais beaucoup trop vite. C'était la précipitation immobile. " (p. 136-137).
"Notre vie intérieure n'est peut-être que la résolution des défis successifs que nous lance notre imagination." (p. 181).

Longtemps après la lecture, la justesse reste mais n'annule pas l'agacement. Par exemple au début du livre, quand une série d'anaphores (pas sûr qu'il s'agisse du terme exact) fait savoir que les romanciers et autres intellectuels visitent en nombre et en profondeur la question de la dépression. Je comprends la démarche visant à "dépathologiser" la chose, à en montrer le caractère finalement peut-être pas si exceptionnel ou médical, mais l'assimilation d'un tas de termes et la répétition (de l'italique aussi) m'ont semblé peser des tonnes, et surtout risquer de trahir le propos unique de chacun de ces auteurs.

"Pour Fernando Pessoa, elle se nomme l'intranquillité" (p. 19).
"Pour Donald Winicott, elle est une réévaluation intérieure de l'être" (p. 22).
"Pour Marguerite Duras, elle se nomme la maladie de la mort" (p. 24).
"Pour Rainer Maria Rilke, elle se nomme l'existence en surnombre" (p. 31).
"Pour Russel Banks, elle se nomme la volonté agitée" (p. 34).
Qu'elle s'attaque à Russel Banks, dont l'écriture est si retenue et distanciée, m'a particulièrement énervée. (Il me semble aussi qu'à un moment le spleen baudelairien est cité, ce qui m'énerve presque autant).
Et puis, les fiches et citations qui reprennent très sérieusement des recherches entreprises sur le sujet... Comme c'est ennuyeux et académique. Le livre pouvait être réduit de moitié, retaillé comme un diamant, le diamant de ce que la narratrice traverse au long de cet épisode où sa vie est en jeu, dans un espace tout à la fois hors de l'événement, de la géographie et de l'imagination. Quand elle perd jusqu'au goût de l'écriture et de la lecture, quand elle ne peut trouver à l'extérieur une consolation, quand aucun de ses stratagèmes patiemment forgés contre l'anxiété n'opère plus. Mais rien de tel, absolument rien, on se trouve face à un pavé indigeste dont il faut extraire la moëlle. Cela me met en colère, peut-être par un renvoi douloureux à mes propres manières de faire, d'écrire, de lire, d'échapper à la mélancolie...
Enfin, il me semble fou, et caractéristique d'une époque prompte au recyclage comme à l'imitation, que des citations et paraphrases puissent constituer le fondement d'une œuvre de création littéraire sans que personne n'y trouve à redire (mais je n'ai pas lu tous les compte-rendus concernant cet ouvrage). Par comparaison, Houellebecq qui a pourtant été très critiqué pour avoir recopié Wikipédia, apparaît bien timide dans La carte et le territoire.

dimanche 25 mars 2018

Ile déserte

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Et toi, tu choisirais quels livres à emporter sur une île déserte ? Trois livres maxi, c'est le jeu.

Autrefois, bardée de certitudes, j'aurais répondu : à coup sûr, un Albert Cohen, probablement Belle du Seigneur ; un Ishiguro, peut-être Un artiste du monde flottant  ; et, en troisième, une Bible, ancien et nouveau testaments, parce que c'est plein d'histoires et de rebondissements. Parfois, on y dégote une parole sage. 

Aujourd'hui, moins bardée de certitudes, et équipée d'internet, je ne sais plus. Trop habituée à me promener avec toute une bibliothèque virtuelle, toujours ouverte, toujours disponible. Il est presque impossible de me figurer une situation où je serais limitée à juste TROIS livres. Mais bon, c'est le jeu.

Côté pratique, j'emporterais sûrement une encyclopédie pour me souvenir du monde (mes neurones meurent, inexorablement, l'oubli s'installe, qu'est-ce que ce serait si je vivais seule sur une île et n'avais personne, ni internet, pour me rafraîchir la mémoire...). Côté romans, je crois que je choisirais toute la série des Rougon-Macquart, pour avoir de quoi lire et relire, longtemps... J'ai adoré ceux que j'ai déjà lus, adolescente, j'aimerais à mon rythme d'adulte lire (et relire) le tout. Ca me rappellerait la beauté de Paris, la ville, la misère que j'aurais quittées pour l'île.
A part ça, peut-être bien Ambiguïtés, d'Elliot Perlman, formidablement construit et qui rappelle quelque chose de très simple et fondamental : la perception de toute chose dépend du point de vue duquel on se place. Et je ne pourrais pas me passer d'un Murakami, La ballade de l'impossible, ou plutôt 1Q84 pour la compagnie des Little People

Au bout d'un moment, je saurais tous les livres par coeur, je réciterais des extraits, seule sur mon île...

Oops, pas de romancière parmi ces choix spontanés... pourtant, Annie Ernaux, Nancy Huston, Siri Hustvedt, Camille Laurens... Alors, en ajouter juste un, pourquoi pas Les années ?

C'est là que je me rends compte que je n'ai pas pensé à la poésie. Alcools, et Paroles, pourrais-je m'en passer ? Hum. Pas prête pour l'île déserte, la fille.

lundi 8 août 2016

Farewell


A passionate fan of alphabets, calligraphy & books just passed away.

She was an author, a reader, an eccentric lady in a funny house. She liked roses and red hearts, her favourite colour was blue.

She also was a great friend who made me discover Mark Haddon, Siri Hustvedt, Alice Munro, Ann Patchett, Marisha Pessl, among others.


Farewell, dear Teapot.

Have fun in your next life.

jeudi 31 janvier 2013

Bibliothèque idéale

Enfant, je jouais presque tous les soirs à un jeu apaisant, dans mon lit, avant de m'endormir. Le jeu consistait à imaginer un endroit où j'aimerais habiter, tout en le dessinant avec mon doigt sur le drap. C'était toujours le même endroit: une seule pièce rectangulaire, pas très grande, avec toutes les fonctions indispensables à ma vie. Il y aurait donc mini-cuisine, salle de bains, toilettes et les murs tapissés de livres. Une porte épaisse me séparant du monde et du bruit. Je n'en sortirais pas ou peu, j'y serais très tranquille, imaginais-je. Je me sentais protégée dans cette bibliothèque idéale, pouvais alors doucement m'endormir en serrant mon doudou. Parfois, par temps chaud, je dessinais en plus une piscine.
Il m'arrive encore de jouer à ce jeu. Mes goûts sont devenus plus sophistiqués, les magazines déco sont passés par là. Pourtant, l'esprit reste le même. Ce serait une pièce avec des canapés et des fauteuils profonds, pourquoi pas en cuir usé comme dans les clubs anglais, du café (et le droit de fumer).  Les murs seraient couverts d'étagères bien rangées, par ordre alphabétique d'auteur ou par collection. L'éclairage serait tamisé, les tapis soyeux, les parquets craquants. Un chat passerait, jamais où on croit mais jamais parti non plus.
On y trouverait mes livres et mes disques préférés. Un abécédaire d'auteurs où il y aurait forcément Nancy Huston, Siri Hustvedt, John Irving de mes jeunes années, Eliot Perlman, en VO aussi si on veut pour une Anglophone touch. Léonard Cohen, Barbara, Brassens et Linda Lemay dans la discothèque. Des goûts Télérama, un genre de résumé des aspirations et des rêves de la classe moyenne au XXIème siècle. On pourrait en faire une sociologie bourdieusienne: "Léonard Cohen, un art moyen". Ou bien dans cinquante ans, une histoire culturelle à la Thompson, The Making of the French Middle Class,  qui mentionnerait Paul Auster ou Annie Ernaux comme tellement représentatifs des lectures stéréotypées de cette catégorie (dans le genre littérature classe moyenne, j'écrirai un jour sur J.G Ballard). Ou pourquoi pas une belle théorie adornienne sur le conditionnement des individus par l'industrie culturelle, car je suis terriblement aliénée à l'industrie culturelle, comme tout le monde, sauf que moi je le sais.
Cette bibliothèque serait également numérique, puisqu'il faut vivre avec son temps... mais j'ai beaucoup de mal à m'imaginer glisser dans le sommeil avec une tablette...